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TUNISIA 2006

2 juillet 2006

Les protocoles des sages de la dictature

Les protocoles des sages de la dictature

 

Il n'y a pas de danger plus grave pour l'ةtat que celui de soi-disant intellectuels. Il vaudrait mieux que vous soyez tous illettrés.

Hassan II, message à la Nation, 30 mars 1965 

 

Bourguiba avait tenu des propos similaires comparant l’intellectuel à un rat empesté.

Une information publié le 24 juin par les quotidiens tunisiens sous le titre de «Communiqué de presse de la fédération tunisienne de l'hôtellerie » aurait fait scandale et provoquer un tollé  médiatique si elle s’est passé dans n’importe quel autre pays qui à un minimum de respect de la loi et d’égard aux institutions d’un régime qui se dit républicain. Le contenu du communiqué de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie indique que «des membres de l'Ordre des avocats viennent de se plaindre de l'attitude de certains responsables des hôtels de la capitale qui, à leurs dires, refuseraient de mettre à leur disposition des salles pour leurs réunions. Afin d'éclairer l'opinion générale, la Fédération tunisienne de l'hôtellerie a voulu apporter les précisions suivantes».

«La Fédération qui, par ailleurs, a beaucoup de respect et de considération pour l'Ordre des avocats, précise que, dans le passé, et à maintes occasions, des membres de l'Ordre ont pu louer des salles dans les hôtels pour tenir leurs réunions.

 

Mais au cours de ces réunions, certains membres ont fait preuve d'actes irrévérencieux, causant des dommages aux équipements, portant, notamment, atteinte à la sécurité et à la quiétude des hôtels en question. Ces agissements ont, par ailleurs, terni la réputation des hôtels et ont eu des répercussions négatives sur leurs activités. Dès lors, les responsables des hôtels s'abstiennent de louer leurs salles à l'Ordre pour abriter ce genre de réunions».

 

Ce nouveau procédé d’obstruction à l’exercice de toute liberté qui intervient à un moment ou le pays connaît un blocage sans précédent de tout activité politique associative ou syndicale qui ne s’inscrit pas dans le consensus que le pouvoir en place continu à prétendre faire l’objet dans le pays. Il vient sceller la chape de plomb sous la quel le pouvoir donne l’impression de vouloir maintenir à l’infini un pays entier.

 

Contesté principalement sur trois front ou les positions semblent avoir arrivés à un point de non retour tellement le décalage entre ce que le pouvoir veut ou plutôt peut accorder et les revendications dont il est confronté semblent inconciliable sans de profondes transformations dans le système même de gouvernance et la nature du rapport du pouvoir avec la société.

 

Ces rapports, arrivés au point mort sur la question de l’ouverture politique sur le débat et la libre expression ou celui du statut de la société civile face au pouvoir et son droit d’existence et les garanties demandées concernant son autonomie et les moyens de son fonctionnement ou en fin sur le registre de la mise à niveau de la justice par le respect de son statut de pouvoir constitutionnel indépendant avec tout ce que cela implique de mise en action de plans de reformes et de déblocage de moyens pour sa réalisation ; le pouvoir semble accuser le pas sur ces trois volet et révéler une hésitation que ses actes concrets traduit par un catégorique refus.

 

Subissant les effets conjugués de pressions internes et internationaux, la stratégie du pouvoir qui consistait jusqu'à présent à donner des promesses pour gagner du temps tout en s’investissant dans des efforts inouïs de perfectionnement de son appareil interne et de lobbying de son image internationale misant sur un changement dans la nature même de la situation qui ôterait à ces échéances leurs acuité et l’intérêt dont ils ont réussi à soulever. Cette stratégie semble aujourd’hui produire l’opposé des effets escomptés.

 

Sur le plan national la revendication de ces différentes réformes ne sont plus aujourd’hui le fait d’une minorité de contestataires radicaux comme il plait au pouvoir de les présenter pour minimiser leur portée. Ils constituent qu’il soit au sein des différentes composantes de la société civile et des partis d’opposition  un consensus général et total qui transcende leurs querelles et leurs divergences qu’on peut relever dans leur différents discours et documents officiels malgré la division qui caractérisent encore leurs rapports. Au sein des médiats comme au sein de la justice journalistes, magistrats et des avocats sont unanimes sur le fait que leurs secteurs ne peuvent plus êtres gérés comme ils l’ont étés jusqu'à présent. Une conscience d’une profonde crise est en train de s’instaurer face à l’atermoiement d’une  politique gouvernementale qui commence à susciter plus qu’une interrogation sur ses véritables raisons.

 

Aujourd’hui l’image répandue de la Tunisie comme contrastant avec son environnement par son modernisme et son ouverture sociale, soulignant le statut acquis par la femme et le paris sur la généralisation de l’enseignement qui ont permis cette évolution sociale intégrée à son époque et disposant d’une élite modernistes et dynamique capable par sa gestion à supplier au manque de  ressources naturelles que le pouvoir lui même cherche à cultiver et à inscrire dans ses réalisation est de plus en plus associée à l’image d’un pouvoir autoritaire fermé qui est entrain de faire obstruction aux aspiration dont cette société est en droit de croire avec ces potentialités. C’est l’avis répéter par les plus importants partenaires de notre pays même si les formules diplomatiques prenne la forme d’encouragement et d’incitation à l’ouverture politique et au changements.

 

Ces aspirations d’intégrer le monde libre et de voir en fin l’avènement d’une ère de prospérité n’ont plus rien d’idéologique, ils sont aujourd’hui retenu par un pouvoir qui opprime la liberté d’expression, qui  ne reconnaît pas le droit a la liberté d’organisation, qui continu à détenir des centaine de prisonniers politique et d’opinion et qui refuse l’alternance au pouvoir ne permettant ainsi aucun contrôle de sa gestion du pays ni l’exercice souverain des citoyens du choix de leur gouvernants. Les choix du pouvoir ainsi exprimés s’inscrivent dans l’autre camp, celui des dictateurs des oppresseurs des tortionnaires et de tout ce que l’humanité cherche aujourd’hui à dépasser.

 

Cette évolution dans la position de la question des réformes et de l’ouverture politique qui à amener des islamistes et des communistes à travailler ensemble, une entente qualifiée de coalition contre nature par les ténors du pouvoir n’est en réalité qu’un pas avancée dans la nouvelle configuration que les rapports a l’intérieur de la société tunisienne avec sa dictature sont entrain de prendre. Un nouveau rapport caractériser par le refus par tout afficher de la soumission aux règles imposés jusqu'à présent qui consacre la présidence à vie la censure les persécutions pour crime d’opinion et l’inégalité par l’apparition d’une oligarchie de profiteurs au dépend de la majorité des citoyens traités par l’exclusion et qui voient leur situation se détériorer et sombrer dans la précarité et le besoin.

 

Le dernier communiqué de presse de la fédération tunisienne de l'hôtellerie s’inscrit dans le cadre de cette mutation. C’est un autre clan de profiteurs qui accourt au secours de la dictature dans son différend avec l’ordre national des avocats comme l’ont fait les prétendus présidents de sections dans son différend avec la ligue tunisienne des droits de l’homme pour lui apporter la justification de l’interdiction de son congrès.

 

Sur le plan juridique la décision annoncée par le communiqué de la FTH constitue de leur part un appel à enfreindre la loi. Les hôteliers prestataire de service par leur fonction ne peuvent en aucun cas exclure de leurs service une catégorie déterminée de clients pas même un individu sans décision de justice. En plus de l’entente contraire a la loi qu’il annonce e qui prend un aspect juridique d’une telle gravité qu’aucun juge ne peut tolérer. Les allégations par lesquelles la FNH cherche à motiver sa décision, sans fondement étant moi-même avocat et ayant assister à de tel réunions jamais les débats n’ont tournés aux agissements entraînaient les dégâts décrites par le communiqué et même si cela arrivait le droit des propriétaires d’hôtels ne peut dépasser la demande des repartions en dommage intérêts. Ce que la FNH commet par son acte c’est un « banditisme » qui se proclame publiquement au dessus de la loi, venant de sa part un tel appel ne fait que traduire à grand jour des pratiques secrètes qui n’ont rien à avoir avec le comportement des gens et qui ont souvent étés utilisés pour empêcher les organisation de la société civile de trouver des espaces pour d’abriter leurs réunions.

 

La dernière victime de cette politique d’exclusion est l’association des femmes démocrates qui n’ont pu trouver un lieu adéquat en Tunisie pour tenir leur dernier congrès. Une organisation féminine comme la ATFD serait elle aussi irrévérencieuse et tapageuse pour porter atteinte à la sécurité et à la quiétude de leurs hôtels ou croit-ils par leur mentalité de nouveaux parvenu nous accueillir dans leur palais privés pour répondre à la tête du client? Cela fait longtemps que les espaces publique partout dans le pays sont fermés face à toute réunion qui ne s’inscrit pas dans le soutient au gouvernement. Une exclusion sans aucun fondement légal malgré leur appartenance à la communauté nationale il sont réserver exclusivement aux adhérant de l’RCD (parti du pouvoir) dont les activités à l’intérieur du pays se réduit à réunir l’apparatchik des régions chaque fois qu’un « responsable » vient leur expliquer les protocoles de la dictature du moment.

 

Sur le plan éthique cette nouvelle affaire vient apporter un éclairage nouveau sur la nature de la crise politique dans laquelle se débat le pays depuis plusieurs années entre ceux qui se prévalent du pouvoir pour imposer leurs volontés et ceux qui se tiennent à la loi pour refuser le dictat des premiers. Si sur le plan de rapport de forces opposés il n’y a aucune commune mesure entre ceux qui ont le pouvoir dans sa conception totalitaire et absolue et qui sont prêt à passer outre tout règlement ou loi jusqu’a la constitution pour parvenir à leurs fins et ceux qui n’ont que la force de leur voix pour appeler au respect de la loi et de leurs droits. Si la force physique devient le domaine exclusif de l’autorité et lui permet d’arriver chaque fois à ses fins, ses décisions sont de plus en plu entrain d’accuser l’absence de la force morale seule à même de leur assurer le minimum de légitimité dont leur pouvoir à besoin pour continuer à être accepté. En détruisant le référentiel commun que doit assurer la loi la dictature ne fait que saper les fondements du pouvoir par lequel elle exprime sa domination.

 

La FNH qui prétend représenter un secteur porté à bras le corps par tout un pays et qui à été construit à crédit dans sa presque intégralité puisé dans l’épargne national. Bénéficiant de toute sorte d’incitations sous formes de dotations, d’exonérations et de privilèges il est resté malgré tout ça en tête de liste des mauvais payeurs des crédits bancaires et des impôts sur les revenues malgré les signe ostentatoire de richesse et le train de vie que ses acteurs affichaient. Confinée dans le travail saisonnier précaire, il n’a rapporté gain qu’à ses propriétaires. Cette richesse facile dont des intrus ont bénéficiés, grâce à leurs passes au prés du pouvoir et leurs introductions de faveur n’a value aux citoyens tunisiens qu’un traitement de client de second degrés dans leurs établissements et une facturation lourdement majorée par apports à celle accordée à leurs semblables étrangers. Cette situation à laquelle les dénonciations répétées chaque année n’ont rien changé à leur statut de client de second degré ce communiqué vient nous la rappeler. Si le tourisme à besoin de quiétude et de calme que rien ne doit venir perturber, aujourd’hui la démocratie à aussi besoin de débats de querelles et de manifestations et tant pis pour le tourisme s’il doit être sauvegardé au dépend de la démocratie et à nos maîtres d’hôtels qui veulent nous convertir aux protocoles des sages de la dictature.

Yahyaoui Mokhtar – Korba 28 juin 2006

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28 juin 2006

La Loi de la parabole

La Loi de la parabole

[1]

Yahyaoui Mokhtar – Korba le 23 juin 2006

[1] - Bertolt Brecht : Essai sur le fascisme ou Discours sur la capacité de résistance de la raison, Novembre 1937 – dans : Ecrits sur la politique et la société- édition l’arche 197

« Les députés ont adopté, à l’unanimité, le projet de loi portant amendement de la loi numéro 1 de l’année 1988 relative aux stations terrestres individuelles ou collectives utilisées pour la réception des programmes télévisés via satellite. Ce projet de loi stipule la suppression de la taxe sur l’utilisation des antennes paraboliques pour la réception des chaînes satellitaires. » L’information est passée inaperçue ; si elle a réussi à attirer la moindre attention c’est celui de démontrer que ces messieurs peuvent toujours trouver quelque chose à quoi s’occuper : effacer le tableau pour écrire de nouvelles idioties.

La loi concernée à été adopté dans la précipitation en 1988 pour faire face à l’engouement des tunisiens pour cette nouvelle technologie qui permet d’échapper au monopole instauré par l’état sur tout ce qui à trait à l’information. Le phénomène avait été précédait par l’apparition de couscoussière et de différente sorte d’outil de vaisselles en aluminiums perchés partout sur les toits dans toutes les villes côtières du pays dans l’espoir de capter les dizaines de chaînes italiennes qui ont commencé à voir jour partout en Italie. Certains ont même eu recours à des formes des plus insolite avec des losanges artisanaux de fils de fer dont on leur prêtait aussi des capacités supérieures aux antennes terrestre ordinaires. Ces mêmes antennes ont connue une augmentation extraordinaire dans leurs formes et dans la hauteur des barres sur lesquels on les fixait, équipaient de rotors par certains pour pouvoir piloter l’orientation de l’intérieur aux grés des vents pour assurer une meilleure réception. Cette situation avait inspirait beaucoup de caricaturiste à l’époque, il suffit de voir l’allure qu’ont prise les toits de nos maisons pour comprendre qu’il y avait déjà un problème important dans le pays sans résolution.

L’apparition de la parabole vers la fin des années 80 été ainsi une aubaine inespérée. Une station complète coûtait entre 1000 et deux mille dinars, le récepteur analogiques au début étés la denrée rares que seuls ceux qui ont le privilège d’avoir des parents à l’étranger réussissaient à l’avoir dissimulés dans leur bagages ou en se faisant racketté par des douaniers avide d’argent avant que la contre bande ne flaire l’affaire et de véritable circuit s’organisaient pour acheminer au pays par millier de la Libye ou de l’Algérie profitant de l’écroulement du change des monnaies locales pour réaliser des taux de bénéfices qu’aucune autre marchandise n’égalait. Des atelier ont étés partout improvisait pour la fabrication de paraboles en fibre de verre de différents diamètres que des artisans forgerons préparait les structures et la base de fixation alors que des camionnettes chargés de nuit dans la discrétion absolue sillonnaient les routes pour prévenir à l’approvisionnement des tout le pays.

Cet exemple de gestion de pouvoir nous démontre comment réfléchissent nos maîtres oppresseurs. S’ils sont les premiers fascinés par toute nouveauté et le luxe qu’apportait la technologie pour être les premiers à s’en équiper, leur comportement dans l’exercice de leur fonctions, n’obéit qu’a un seul principe, un principe aussi vieux que le temps dont ils sont les derniers vestiges vivants et en vertu duquel tout ce qui est nouveau est interdit et tout ce qui n’a pas été autorisé est prohibé ou selon la formule bien de chez nous « كل جديد بدعة و كل بدعة ضلالة و كل ضلالة في النار » Toute nouveauté est hérésie, toute hérésie est un péché et tout péché est punie par le feu. Cette logique circulaire étroite et bien sellée qui stigmate du formidable fond d’archaïsme qu’ils dissimulaient et que leur comportement trahit chaque fois qu’ils sont confrontés à une nouvelle avancée de la technologie comme il le sont aujourd’hui en train de le confirmer face à la révolution informatique par leur efforts inouïes pour faire barrer la libre accès au réseau Internet.

Pourtant Une véritable révolution contre la parole unique et le métier de propagandiste du pouvoir auquel elle s’est vouée la chaîne publique s’est produit à cette époque en Tunisie. Aujourd’hui la parabole s’est installait dans les habitudes et les mœurs des gens comme un défit relevé contre TV7 que la télévision elle-même s’identifiait à sa possession. Une situation qui s’est instauré contre la volonté du pouvoir et malgré lui tout simplement. La politique entreprise par le pouvoir pour faire face a ce phénomène n’a jamais dépassé la logique de la répression, de la saisie et des sanctions. La loi promulguait à l’occasion soumet l’installation de tout station de réception satellitaire à une autorisation et met à la charge de tout bénéficiaire une taxe de 120 dinars, l’équivalant d’un salaire mensuel de beaucoup de tunisiens à l’époque et autorisait l’administration à vérifier à tout moment la conformité de l’installation aux normes autorisés.

La laconique dépêche annonçant la fin de ce mort-né que fut cette loi qui n’a jamais pu être appliquée ni exister durant ses 18 ans de vie que dans le tiroir des oubliette d’un régime dépassé qui peine à soutenir la cadence d’évolution de la société. Ce débâcle cinglant est tourné en exploit par le ministre des finances qui se permet de préciser que « la montée en flèche de l’achat des antennes paraboliques confirmé par le dernier recensement de la population atteste de la liberté d’accès à l’information en Tunisie, l’une des constantes de la politique du Changement qui consacre les droits de l’homme et les libertés. » Un discours qui semble venir d’un autre univers et destinée à un autre pays en cherchant à s’inscrire dans le fait accompli il ne fait que donner la preuve du degrés de mépris qu’ils portent à tout un pays en présentant leurs défaites les plus exemplaires en acquis d’avant-garde et de liberté.

Le bunker auquel s’est transformé le siége de la chaîne publique dispense à lui seul de tout commentaire. Accolé d’une véritable caserne, l’ensemble, vulgairement assiégés par une impressionnante barrière métallique sur tous les cotés en pleine avenue de la liberté interdisant tout accès aux trottoirs qui l’entourait et gardé par des hommes lourdement armés qui veillent jour et nuit à ce que la source de la révélation continue à émettre imperturbablement sa religion et a louer son démiurge et ses bienfaits pour la nation. Aujourd’hui ce triste constat s’est dévoilé au plus imbéciles des tunisiens qui n’y voient plus que le signe tangible de médiocrité et d’archaïsme d’un système manipulateur qui croit encore les tromper par ces moyens sur la réalité de la situation dans laquelle leur pays à été abaissé. Seuls quelques opposant attardés, continue à croire pouvoir mieux faire et cultivent l’espoir qu’il ne leur manque qu’une chaîne de télévision pour libérer le pays et s’installer au le perchoir de la dictature en maître absolu au nom de la liberté et de la démocratie.

Au bout de ces 18 ans quand on se pause la question sur les raisons qui ont conduit le pouvoir à faire cette législation qu’il vient d’abroger nous ne pouvons être que consternés par l’absurdité de ses effets sur le conditionnement du rapport du pouvoir avec la société. Contrairement à ce qu’on cherche à nous faire croire, les objectif du pouvoir n’étés pas l’encouragement de la libre accès à l’information mais son obstruction, c’est une injonction d’interdiction et une menace de sanction que cette loi fait agiter pour dissuader le citoyen ordinaire d’acquérir de tels équipements et de s’inscrire dans la modernité. Si nous nous referant à la loi française concernant la même question on ne peut que resté pantois par la différence ente une loi qui cherche à faciliter l’exercice d’une liberté et celle qui cherche à l’empêcher. Dés le premier alinéa de l’article premier le législateur commence par instaurer le principe de la liberté d’accès à l’information par ces moyens à tout citoyens : « Le propriétaire d'un immeuble ne peut, nonobstant toute convention même antérieurement conclue, s'opposer, sans motif sérieux et légitime, à l'installation, à l'entretien ou au remplacement, aux frais d'un ou plusieurs locataires ou occupants de bonne foi, d'une antenne extérieure réceptrice de radiodiffusion. »

Chez nous le législateur mû d’un mercantilisme frileux ne rate aucune occasion pour imposer le citoyen et l’accabler de charges supplémentaires, pour le grever encore d’impôts additionnels et pour lui soustraire d’avantage d’argent sans aucune raison. Cette frileuse cupidité peut être vérifiés dans tous les domaines ou le pouvoir avait à gérer des secteurs qui recèlent une forte demande de consommation ponctuelle. L’exemple des télécommunications qui a vu le nombres d’abonnées décupler en moins de dix ans n’a pas besoin d’argument pour prouver comment toute une société à été signé à blanc profitant de l’explosion du marché et de la baisse des coûts des équipement a cause de la concurrence acharnés que se sont livrés les multinationale sur les nouveaux marchés. Le même constat peut être fait aujourd’hui dans le secteur informatique et le raccordement au réseau Internet. Quand ils se réunissent en CMR ou en conseil leur unique préoccupation est de mesurer jusqu'à quel point on peut les faire payer et leur soustraire leur argent.

L’ouverture du pouvoir sur ces mannes de profits n’a pas pour autant changé sa politique concernant les libertés qui leurs sont rattachés. La perfection des moyens technologique lui a plutôt profité pour aggraver sa surveillance et sa domination sur la société d’une part et d’autre part l’instauration de ce climat de méfiance qui entoure ces questions a servi d’alibi pour alourdir les coups de facturation. Présentés comme privilèges accordés par la magnanimité du pouvoir sur instruction du président personne n’ose plus demander des comptes ou une justification de prix, d’ailleurs en est par nature habitués à être spolié.

Le problème dans tout ça est cette situation macabre que vit tout un secteur qui est appelé à être a le pointe de l’évolution et de la technologie pour charrier le développement et le progrès de tout un pays. Réduit par un pouvoir qui ne cherche pas seulement à contrôler tout ce qui se dit ou s’écris dans le pays mais à fermer la possibilité de toute accès à une information ou à une communication non contrôlé et scellée conforme à leurs norme de la vérité. Parfois on sent la frustration de ne pas trouver un journal dans son pays digne de ce nom, de ne pas pouvoir écouter un débat non animé par un lâche couillon et de n’entendre que ces léches bottes agglutinés dans leur misérable discours servile et pouilleux au point de se révolter et de crier haut et fort contre cette misère que seuls les scandales crapuleux sans intérêt réussissent aujourd’hui à rompre la monotonie sans changer pour autant la platitude de vie imposée à tout un pays.

J’ai trouvé dans l’art de l’absurde ce résumé du célèbre livre de Franz Kafka le procès écrite par Albert Camus ; sans chercher à transposer la tragédie d’un individu à celle de tout un pays mais la parabole me parait digne d’intérêt pour comprendre le rapport de mépris. Albert Camus résumât dans L'espoir et l'absurde dans l'œuvre de Franz Kafka ainsi le Procès : « …Joseph K est accusé. Mais il ne sait pas de quoi. Il tient sans doute à se défendre, mais il ignore pourquoi. Les avocats trouvent sa cause difficile. Entre-temps, il ne néglige pas d'aimer, de se nourrir ou de lire son journal. Puis il est jugé. Mais la salle du tribunal est très sombre. Il ne comprend pas grande chose. Il suppose seulement qu'il est condamné mais à quoi, il se le demande à peine. Il en doute quelquefois aussi bien et il continue à vivre. Longtemps après, deux messieurs bien habillés et polis viennent le trouver et l'invitent à les suivre. Avec la plus grande courtoisie ils le mènent dans une banlieue désespérée, lui mettent la tête sur une pierre et l'égorgent. Avant de mourir le condamné dit seulement " Comme un chien !" »

Bertolt Brecht dans un essai sur le fascisme intitulé Discours sur la capacité de résistance de la raison disait « Les classes dirigeantes, dans le dessin d’opprimer les masses, doivent investir chez celle-ci de telle quantité de raison d’une telle qualité, que l’oppression et l’exploitation se trouvent menacés. Ces réflexions de sang-froid amènent à conclure que les gouvernements fascistes, en attaquant la raison, se lancent dans une entreprise donquichottesque. Ils sont obligés de laisser subsister, et même de susciter de grandes quantités de raison. Ils peuvent l’insulter autant qu’ils veulent, la présenter comme une maladie, dénoncer la bestialité de l’intellect : ne serai-ce que pour diffuser ce genre de discours, ils ont besoin d’appareils de radio dont la fabrication et l’œuvre de la raison. Pour maintenir leur domination, ils ont besoin d’un potentiel de raison chez les masses égal à celui dont les masses ont besoin pour supprimer leur domination. »

23 décembre 2004

Le prix d'une gouvernance économique et politique désastreuse

C'est la Banque mondiale qui le dénonce elle-même, en termes à peine diplomatiques : le climat des affaires malsain et douteux qui règne en Tunisie vient aggraver une situation économique et sociale dans laquelle les plus importants indicateurs sont au rouge, jusque dans le secteur des techniques de l'information et de la communication et de l'industrie des réseaux. Le pays qui se veut hôte de la seconde phase du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI) en novembre 2005 aura bien du mal à mettre en avant des réussites en termes d'infrastructure et d'emploi dans ce domaine pour cacher l'absence totale de liberté d'information et de communication.

Plus globalement, le débat qui s'est engagé à la faculté des sciences économiques de Tunis à l'issue de la présentation du rapport de la Banque mondiale sur les politiques d'emploi et de développement de la Tunisie renforce la position de la société civile tunisienne, en particulier de l'opposition démocratique, quant à la mauvaise gouvernance économique et politique qui dilapide les acquis de la nation. Si le constat est partagé, le compte-rendu du débat que nous propose Nadia Omrane montre que les économistes tunisiens qui se sont exprimés ont marqué leur réticence à voir le pays se conformer à la lettre à la politique ultralibérale préconisée par les institutions de Bretton Woods.

Dans sa communication présentée lors d'un récent séminaire à Tunis, qu'il a bien voulu nous autoriser à reproduire, Khemaïs Chammari s'interroge toutefois sur la marge de manoeuvre des pays en voie de développement et sur les conditions de leur transition démocratique dans un contexte mondialisé. Il y traite également ce qu'il appelle « le lancinant problème des investissements et les mirages des institutions financières islamiques ».

Dans plusieurs secteurs, il y aurait pourtant peu à faire pour un meilleur développement, plus durable et plus soucieux de l'environnement, offrant des perspectives de création d'emploi et même un contexte favorable au dialogue des cultures qui fait tant défaut par ces temps tourmentés. C'est le cas par exemple du secteur du tourisme, comme le montre un récent rapport du PNUD présenté à Tunis.


Inquiétante évaluation de l'économie tunisienne selon la Banque Mondiale
« Ni transparence institutionnelle ni règle du jeu »

 

  La Banque mondiale vient-elle à la rescousse de la société civile tunisienne  ? En témoigne ce débat à l'université de Tunis qui reprend son rôle de phare de la pensée qu'elle avait perdu depuis 1985. La mission de la Banque mondiale en Tunisie, hébergée dans les locaux de la Banque africaine de développement, a soumis à la discussion deux de ses rapports concernant la Tunisie (emploi et politique de développement) et cela dans la belle salle de thèses de la faculté des Sciences économiques de Tunis II où l'institution financière internationale tient un bureau.

Devant un parterre d'universitaires et de doctorants, une discussion très libre s'est engagée, dressant au final un bilan inquiétant de l'économie tunisienne. Ils tirent la sonnette d'alarme sur un état des lieux opaque, sans véritable règle du jeu et dont les indicateurs soulignant une mauvaise gouvernance avertissent qu'ilyapéril en la demeure.

À la tribune et dans la salle, les experts tunisiens enfonceront le clou dans cette plaie vive de la nation. Tout en remerciant les organisateurs de nous avoir permis d'assister à ce très important débat, dont nous rendons compte rapidement à 48 heures de notre mise en ligne, notre journal s'engage à accompagner dans une proximité critique l'effort d'intellectuels et d'acteurs de la société civile tunisienne dans cette réflexion libre, lucide et courageuse au fondement d'une construction démocratique.  

Dans un exposé clair et pédagogique, dans le ton soft de la Banque mondial (BM), c'est à grands traits renvoyant du reste à des documents plus complets, que Théodore Ahlers, responsable du département Maghreb de la Banque, fit un diagnostic sans la moindre complaisance de la politique de développement en Tunisie. À partir de l'identification des atouts et des défis, il proposa quelques axes de redressements possibles.

Atouts et défis tunisiens

Parmi les atouts, il releva une croissance soutenue dans un environnement difficile, référence faite particulièrement à l'ouverture de l'Union européenne sur son flanc oriental. La Tunisie a aussi ces derniers mois accusé le contrecoup de l'inflation des prix du pétrole. Pourtant sa croissance est demeurée élevée, plus élevée d'ailleurs que la croissance des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord et que de la moyenne des pays à revenu intermédiaire. Toutefois, la Tunisie reste en deçà de la croissance de la Malaisie, la Corée du Sud, Thaïlande, l'Ile Maurice, et le Chili (la BM oubliant l'Iran).

Le deuxième point fort relevé par Théodore Ahlers est la réduction de la pauvreté de 8% de la population en 1995 à 4% aujourd'hui. Notons cependant qu'il s'agit là de la pauvreté absolue, du complet dénuement, alors que le pourcentage de la pauvreté relative évaluée en termes de précarité, de non-satisfaction d'un certain nombre de besoins nouveaux qui sont le socle de la qualité de la vie, est bien plus élevé, faisant émerger une couche de travailleurs pauvres et dont s'amenuisent toutes les protections sociales. Cet aspect n'est pas pris en compte par la BM, alors que cette dimension est fondamentale pour un pays émergent.  

L'autre point fort concerne la préservation globale des équilibres macro-économiques, ce qui a permis au pays de postuler pour certaines aides internationales. Dés lors, Théodore Ahlers amorce la liste des faiblesses. Le premier point noir est incontestablement le chômage, particulièrement dans le secteur privé où l'emploi est en perte de vitesse selon la BM. Les intervenants majoreront le taux de 14% à 16% en minimum de chômeurs. Le rapport considère que pour réduire de 3 points ce taux, il faudrait que la croissance soit au moins de l'ordre de 6,5%.

Cette dynamique de croissance repose certes sur des investissements privés supérieurs mais aussi sur davantage de qualification psychologique des ressources humaines, celles-là mêmes que requièrent les secteurs à haute valeur ajoutée. C'est tout le développement de l'économie du savoir qui est ici en question.

Théodore Ahlers relève alors la faiblesse de l'investissement privé dans le secteur des services et industries des réseaux. Le rapport souligne le découragement de l'investissement privé dans ce dernier secteur et l'on peut ainsi confirmer par l'existence d'un quasi-monopole de l'État confondu avec quelques entreprises privilégiées, dans les technologies de l'Internet et services associés. En dehors des incertitudes liées au contexte du libéralisme européen (problèmes des délocalisations et chômage en Europe), cette tutelle exercée sur l'économie du savoir, soumise à une vraie fermeture, à une très grande frilosité des pouvoirs publics, est une des causes majeures du recul de l'investissement privé.

La Banque Mondiale ne le dit peut-être pas aussi directement, mais elle est très claire quand il s'agit de mettre à l'index le climat des affaires dans la chute de l'investissement privé. Théodore Ahlers souligne en particulier les interrogations qui portent sur «  la prévisibilité et la transparence du cadre réglementaire concernant notamment la concurrence  ». Ainsi, précise-t-il en matière de marché «  est-ce que c'est la même règle du jeu pour tout le monde  ?  ».

À l'évidence, le libéralisme prôné par la Banque Mondiale ne peut s'accommoder d'une réponse négative décourageant particulièrement les investissements directs étrangers autant que nationaux, faisant barrage à une politique de privatisation. Toutefois, dans le débat et quelles que soient les divergences sur l'ouverture libérale, tous s'accordent à dénoncer un climat des affaires plus que douteux et l'opacité de la gestion financière.

Quelques lignes de conduite possibles

De ce diagnostic, la Banque Mondiale dégage des pistes de redressement.

D'abord, pour améliorer l'investissement privé, la Banque préconise évidemment la transparence, la prévisibilité et l'harmonie du cadre réglementaire, particulièrement le décalage off shore/on shore, en somme la levée des incertitudes réglementaires. Dans la logique, le rapport recommande d'améliorer le cadre technique de la concurrence, l'infrastructure offerte, l'autonomie des services administratifs.

L'autre axe concerne le renforcement de la solidité du secteur bancaire et son assainissement. Malgré certains progrès, le système bancaire reste encombré par des créances improductives sous-provisionnées, limitant sa capacité de financer l'investissement productif. Cela suppose l'assainissement des bilans et une meilleure sélectivité dans la distribution des crédits. Le rapport stipule  :

« -  Encourager un meilleur provisionnement des prêts non productifs afin d'accélérer l'assainissement des bilans des banques commerciales.
-  Accélérer la réalisation des garanties sur les créances compromises, une condition pour la restructuration nécessaire des entreprises en difficultés.
-  Renforcer l'application des règles de transparence des états financiers des entreprises qui obtiennent d'importants montants de financement bancaire  ».

Enfin en matière de consolidation des finances publiques, il s'agira d'une réforme du système fiscal dans le sens de son élargissement. Il faudra aussi garantir une plus grande efficacité des finances publiques en orientant les allocations budgétaires selon les performances des secteurs et non pas par simple reconduction. Ce qui devrait valoir pour la prochaine loi des Finances, dont les pouvoirs publics assurent qu'elle est ordonnée selon les 21 priorités du programme présidentiel (parmi lesquelles «  la réduction du chômage, l'amélioration de l'investissement privé et l'économie du savoir  »).

Enfin, dans le même ordre d'idées, et suivant l'impératif de la performance, le rapport recommande plus de maîtrise des dépenses régies en assurant une forme de flexibilité du budget ce qui permettra de mieux affronter la dette extérieure et ce qui mettra la Tunisie en meilleure position pour obtenir une rallonge d'aide internationale.

Rigueur, efficacité et rentabilité sont les maîtres mots de ce rapport de l'Institution de Bretton-Woods. On le reconnaît dans la recommandation de la réduction du pourcentage de la masse salariale trop fort par rapport au PIB, plus élevé qu'au Moyen-Orient, en Europe ou dans les PECO. Ce qui pourtant fut à porter au crédit de la Tunisie, de sa politique sociale et de son mouvement syndical. Mais il est évident que la Banque Mondiale ne l'entend pas ainsi, relevant que les salaires trop élevés dans le secteur public compromettent par contagion le coût du travail dans le secteur privé (qui est alors tiré vers le haut). Dans le même esprit, la BM, qui se félicite de la flexibilité du travail régissant l'embauche (généralisation des CDD), préconise plus de facilité au licenciement, quitte à trouver des formes de compensation. S'achemine-t-on vers une caisse d'allocation chômage ou des contrats précaires de réinsertion  ? En tout cas, le ton est donné  : «  des dépenses salariales de 12% du PIB constituent un problème  » autant qu'elles lestent la croissance. Toute la politique sociale (assurance, retraite) est aussi appelée à être réajustée afin d'assurer «  l'efficacité et la pérennité du système de sécurité sociale  », la B.M. prenant date pour les décennies à venir.

Un second rapport de la BM focalise sur le tissu névralgique, celui du monde du travail, relevant un taux de chômage d'autant plus inquiétant que les emplois sont pléthoriques dans le secteur public ou dans les secteurs à faible valeur ajoutée. Parmi les facteurs de blocage de cette création d'emplois, la Banque Mondiale, fidèle à elle-même, déplore le coût de cette main d'oeuvre, plus élevé qu'ailleurs et qui irait en s'aggravant avec des charges sociales sur le capital de l'ordre de 16% pour la protection des travailleurs et de 12% d'autres taxes annexes, soit un solde de 28% pour le capital, ce qui est loin d'inciter à l'embauche. Parmi les autres facteurs de l'aggravation du chômage, on cite le décalage entre la permanence de l'inadéquation de la formation aux besoins du marché du travail, celui-ci se resserrant du fait de l'effondrement du tissu des PME. Mais, comme une idée fixe, signe que la Banque Mondiale ne perd pas sa boussole originelle, Théodore Ahlers revient sur un cadre réglementant trop strictement encore le travail, d'où il faut comprendre : bravo à la multiplication des CDD, du temps partiel, voire de l'intérim, applaudissements pour la précarisation des contrats, avec ce regret que les dégraissages, les licenciements ne puissent se faire plus librement, au bonheur du patronat.  

Dès lors, «  la fermeture  » des entreprises plutôt que leur «  restructuration  » est portée à la charge des travailleurs coupables, forcément coupables d'être trop choyés par une législation du travail devenue caduque au regard de la Banque Mondiale. Dans un souci d'efficacité, la BM propose quelques mesures tant une politique de développement n'a aucune chance d'aboutir avec 80  000 demandeurs d'emploi supplémentaires par an. Les programmes mis en oeuvre par l'État pour résoudre cette situation sont considérés comme inopérant et délestant le budget de 1%, soit le double de l'OCDE pour une population cible moindre et mal définie. À une refonte de la formation professionnelle et à l'affinement de l'enseignement en direction des secteurs à plus forte valeur ajoutée, il faudrait aussi ajouter la réorientation du système de protection sociale vers l'extérieur du monde du travail, là où les maux ne sont pas pris en charge, et développer davantage l'épargne.

Abdejjabar Bsaies  : «  Ne pas fragiliser le compromis social  »  

Ancien doyen de la faculté d'économie, Abdejjabar Bsaies devait marquer toute sa considération pour « un bilan sans concessions parfaitement objectif et qui traduit bien l'état de notre pays aujourd'hui ». Mettant l'accent sur « les points cruciaux » marquant la stagnation, il devait - entre autres explications attendues - déplorer fortement un « climat des affaires très peu satisfaisant ». C'est un euphémisme et un langage bienséant pour confirmer ce que chacun sait désormais, même profane en la matière, et qu'avaient développé à l'université d'été de l'Initiative démocratique Mohamed Hédi Lahouel et bien d'autres confrères comme Mahmoud Ben Romdhane, Azzam Mahjoub... [NDLR. Voir la synthèse des travaux de cette université d'été dans le [numéro 10] d'Alternatives citoyennes].

Au-delà d'un accord sur tout un volet de l'analyse de la BM, le professeur Bsaies devait marquer toutefois quelques réserves avec la veine sociale qui est la sienne. Il note d'abord que le problème de l'emploi s'est aggravé en dépit des efforts faits lors des décennies précédentes, à telle enseigne qu'on peut parler « d'une croissance sans emploi ». Parvenu à ce noeud de la politique de développement, il releva les paradoxes de l'économie tunisienne. Comment en effet maintenir des formes de protection sociale tout en assurant la flexibilité du travail, sachant que notre pays, importateur de tous les intrants, ne peut se montrer compétitif et attractif qu'en agissant sur le coût de la main d'oeuvre  ? Mais comment en conséquence réduire la masse salariale quand l'État, en charge de l'intérêt général, recrute à en déborder et en assurant des salaires et des charges sociales que le capital privé refuse de suivre  ?

Le deuxième noeud désigné par Abdejjabar Bsaies est celui de l'éducation qui ne parvient pas, en dépit de réformes, à assurer des profils de qualification requis par une économie hautement technologique. Une évolution d'un système d'éducation « colonial » vers les filières d'excellence agirait comme un filtrage sélectionnant les meilleurs dans un État qui n'assurerait plus les mêmes chances à tous.

Dès lors, la réduction de la possibilité de mobilité sociale par l'éducation fonctionnant comme ascenseur pour les déclassés de départ, mettrait en péril l'équilibre d'une nation. De proche en proche, Abdejjabar Bsaies fit valoir les trappes tendues par le rapport de la BM aux acquis sociaux qui fondent le compromis social historique de l'État national.

Mahmoud Ben Romdhane : « des questionnements de fond sur lesquels le pouvoir devra rendre des comptes »

Au professeur d'économie Mahmoud Ben Romdhane revint la redoutable tâche de commenter le rapport sur les politiques de développement. Redoutable  ? Non, pas pour Mahmoud Ben Romdhane en tout cas, intellectuel engagé depuis 30 ans dans tous les combats, autant ceux du monde du travail ou des luttes internationales que de la conquête démocratique dans son pays. Aussi fut-il clair dans le commentaire, faisant affleurer à l'entendement les allusions voilées du rapport ou du discours universitaire ordinaire, avec la précision de l'économiste de fond et le courage du démocrate défiant l'Autorité sur l'essentiel qui engage l'avenir de la nation.

Mahmoud Ben Romdhane devait d'abord souligner en quoi la dimension de «  bonne gouvernance  », prise en compte depuis plusieurs années dans les expertises de la Banque mondiale, allait à la rencontre des aspirations de la société civile, particulièrement dans les pays où l'autorité bride toute revendication participative, toute exigence de transparence, et surtout dans les lieux où le pouvoir absolutiste se refuse à rendre des comptes, à être redevable envers sa population. Le constat est le même. En dépit de quelques acquis, la machine économique coince. Tous les ressorts incitatifs ayant été sur-sollicités, la mécanique achoppe à l'écueil fondamental : la confiance s'est effondrée

Tout en reconnaissant « l'excellence » de la démonstration de la BM, Mahmoud Ben Romdhane se proposa d'abord de porter le bistouri là où notre économie a le plus mal, le climat des affaires et de l'investissement, abcès de fixation de toutes les irrégularités et malignités d'un système d'État, cancer de notre développement.

La question des créances douteuses est aujourd'hui secret de polichinelle, même pour l'homme de la rue, en tout cas au moins pour les internautes qui ont eu le privilège de retrouver sur le web une note concernant quelques entreprises bénéficiant d'une extraordinaire générosité du système bancaire. Sinon, « la BM est notre seule source d'information », et c'est elle qui exprime sa préoccupation de chiffrer le pourcentage des prêts non performants à 19% en 2001, et à 22% en 2002. Selon Mahmoud Ben Romdhane, ce taux atteint présentement 24%, chiffre donné en présence du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) en juin 2004. Le provisionnement de ces créances est en baisse (44% en 2002). Cela met à mal la solidité du système bancaire affecté de la très mauvaise note D sur une échelle spécialisée de notation allant de A à E.

Une liste de grands groupes bienheureux s'endettent sans relâche malgré l'alerte de la BM. Certaines banques sont engagées auprès d'un même groupe à hauteur de plus du tiers de leurs crédits. Selon la BM, 38% de ces créances douteuses sont orientées vers le tourisme et l'immobilier, qui voit fleurir de Yasmine Hammamet à Hay Ennasr hôtels de luxe et résidences en grande partie inoccupés ou invendus. Cette flambée d'un parc de résidences de standing dont les offres de vente s'étalent à longueur de colonne de la presse tunisienne sans que leurs nouveaux promoteurs ne trouvent preneur, semble devoir orienter vers l'hypothèse selon laquelle «  nous pourrions être à la veille d'une bulle immobilière  », développe Mahmoud Ben Romdhane. Dans le monde, les exemples sont nombreux de crises bancaires à la suite d'une bulle immobilière.

Dès lors s'inquiète le professeur d'économie, la question est posée à propos des volumes de prêts accordés à cette promotion immobilière et surtout du recouvrement de ces créances hypothéquées sur des réalisations immobilières dont les prix ont chuté parfois de 25% (à Hay Ennasr)  ! L'information selon laquelle il y aurait 14% du parc immobilier inhabité confirme en plus que «  nous serions en état de surproduction immobilière  ». Au niveau des valeurs mobilières, l'économiste note aussi les grosses fluctuations boursières marquées par des retraits massifs d'actionnaires dont la confiance est ébranlée. Tout renvoie en fait à une question de bonne gouvernance, d'information claire et accessible et de contrôle par des contrepouvoirs, autant d'exigences de la société civile en différentes situations. Un autre exemple est fourni par l'explosion du commerce parallèle qui inhibe tout projet d'investissement privé dans ce secteur.

Mais l'ancien économiste du mouvement syndical était aussi attendu sur le terrain social. En dépit d'une forme d'évolution libérale dont il retient heureusement, pour l'essentiel, la dimension de l'exercice libre de la citoyenneté, Mahmoud Ben Romdhane ne déçut pas pourtant l'assistance  : il entreprit en effet une courtoise mais ferme polémique avec la BM sur la question de l'emploi et des licenciements. Car, objecte-t-il, «  ce sont les pays qui protègent leur main d'oeuvre à la sortie qui maintiennent un faible taux de chômage et assurent la plus grande promotion de la qualification professionnelle  ».

Mettant en garde contre l'ouverture d'une boîte de Pandore, offrant aux démons la perspective de licencier à gogo comme déjà on précarise l'embauche, Mahmoud Ben Romdhane réorienta la problématique vers la centralité de la question de l'investissement  : une croissance toute relative de cet investissement aurait fait baisser le taux de chômage de 3,5 points  ! L'économiste poursuivit la controverse au niveau de la protection sociale, notamment en matière de retraite, relevant combien les pouvoirs publics font pression et interviennent dans un domaine réservé des acteurs sociaux. Il se déclara très réservé sur le financement de la retraite par les fonds de pension.

En somme, c'est un oui mesuré au libéralisme que cet économiste, partenaire important du mouvement baptisé Initiative démocratique, assortit de réserves fondamentales pour éviter d'aggraver les risques sociaux dans la quinquennie à venir. Il ne s'agit pas que le mouvement démocratique aspirant à un vrai changement hérite au bout de cette mandature d'un pays en décomposition   !  

-  Banque Mondiale. « République de Tunisie - Revue des politiques de développement. Tirer parti de l'intégration commerciale pour stimuler la croissance et l'emploi » (Rapport 29847-TN). Octobre 2004. 137 pages. Disponible en ligne sur le site documentaire de la Banque Mondiale  :
[www-wds.worldbank.org]

  Nadia Omrane


23 décembre 2004

L'état de la nation

L'orée de 2005, tandis que s'inaugure une nouvelle mandature, la Banque mondiale tamise de quelques clignotants rouges l'euphorie d'un nouveau plébiscite que vient de s'accorder, pour cinq autres années, le régime tunisien. Lestant la croissance, le recul de l'investissement privé, l'aggravation du chômage et le retard mis au développement des techniques de l'information et de la communication ainsi qu'à l'industrie des réseaux, ont pour contexte un climat des affaires « malsain » et « douteux » sans « transparence ni vraie règle du jeu », accompagné de bien d'autres dévoiements qu'en termes convenables la Banque mondiale désigne pourtant fermement.

 

Aussitôt, des économistes locomotives du mouvement démocratique et quelquefois du mouvement syndical, montent au créneau et renchérissent sur tous les aspects d'une mauvaise gouvernance. Du coeur de l'université portée par l'exaspération de la société civile, un véritable cahier des charges est adressé en sommation à l'État-parti. L'exigence de réformes institutionnelles, la libération de l'information ainsi que l'obligation faite aux autorités de rendre des comptes sur leur gestion des deniers publics, au programme de l'opposition démocratique, sont l'expression politique de la bonne gouvernance économique, elle-même condition de l'octroi par la Banque mondiale de quelques 200 millions de dollars d'aides annuelles.

Sans doute, l'opposition démocratique est-elle plus attachée au compromis social et aux acquis des travailleurs que ne l'est l'institution de Bretton-Woods privilégiant davantage, dans sa cohérence libérale, la citoyenneté politique plutôt que les droits sociaux.

Quelquefois pourtant, la détestation de la dictature devient si impérative qu'on finit par trouver de la grâce au commandement libéral.

À l'est, de la Géorgie à l'Ukraine d'aujourd'hui, c'est ce même air de liberté qui fait vaciller le despotisme. Désormais, les dynasties tyranniques savent qu'elles sont mortelles.

À Rabat, personne n'était dupe que le Forum de l'avenir ait surtout cherché à intégrer un Grand Moyen-Orient standardisé dans l'économie de marché.

Chacun sait ce que vaut une démocratisation amenée au pas de charge par les pays nantis, les USA en tête de cette impériale chefferie.

Et pourtant, dans la pleine conscience de ces enjeux et de ces défis, une société civile anéantie par des décennies de non droit n'est-elle pas tentée, fût-ce à son corps défendant, de s'abandonner un instant à ces maîtres du monde en leur demandant : allez, balayez-moi tout cela, un système médiocre, un unanimisme affligeant, la pensée dévitalisée, l'initiative désactivée, des perspectives ternies, et nos enfants partis parce qu'ils ne veulent plus de cette vie qu'on leur fait, au ralenti, toute petite, petite...

À l'aube de 2005, faut-il encore s'accommoder de ce temps décalé et consentir, contre la marche du monde, à cet état malheureux de la nation ?

La rédaction

http://www.alternatives-citoyennes.sgdg.org/num13/editorial-w.html

Alternatives citoyennes - Numéro 13 - 22 décembre 2004

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